Projet Edwards : le bilan de fin de saison
Laurent Fontaine
Dans le cadre du projet de conservation du faisan d’Edwards, les recommandations d’élevage pour la saison 2018 ont eu pour objectif de renforcer les comportements d’incubation et d’élevage naturel dans notre population. Les leçons tirées des différents projets de réintroduction menés ou suivis par la WPA sur les galliformes, ainsi que la meilleure connaissance des comportements de nos oiseaux, dans la nature, mais aussi dans nos volières, ont permis de souligner l’importance de la préservation de ces caractères chez nos oiseaux. Après plusieurs générations d’élevage artificiel, ces comportements peuvent s’altérer, à l’instar des poules domestiques de souches industrielles, ou de nombreuses lignées de faisans destinés à la chasse qui ne savent plus couver et encore moins élever leurs jeunes. Cette perte comportementale est un risque tout aussi insidieux que la perte de variabilité génétique mais, à sa différence, elle n’est pas irréversible, à condition de laisser la possibilité aux oiseaux de réapprendre et de transmettre ces comportements. Dans cet esprit, il faut permettre aux jeunes d’apprendre des adultes et aux adultes d’améliorer leurs compétences d’élevage par la répétition et la diversité des expériences. Dans le projet de réintroduction du faisan d’Edwards, cette phase de « réhabilitation » vient avant la phase d’élevage protégé sur les futurs sites de réintroduction. Pour gagner du temps et augmenter les chances de réussite de notre projet, nous devons préparer nos oiseaux sans plus tarder à ce retour à la vie sauvage.
Dans cette nouvelle orientation des recommandations annuelles, le questionnaire destiné aux éleveurs du groupe comportait une enquête sur leurs expériences d’élevage naturel. Les données collectées auprès des éleveurs par les responsables de chaque chapitre ont été centralisées et synthétisées par Heiner Jacken, coordinateur au niveau de l’ECBG de la population d’Edwards. Il a établi un bilan à la fin de saison 2018 des résultats suite à ces recommandations (cf le tableau ci-dessous).
L’analyse de ce tableau a mis en évidence la prépondérance des résultats du chapitre allemand, qui avec le chapitre Benelux regroupent le plus grand nombre de couples reproducteurs. On peut également noter un bon suivi des recommandations chez nos voisins germaniques.
Au niveau de notre chapitre, nous avions 11 couples en reproduction pour la saison 2018. Durant l’hiver, nous avons formé 2 nouveaux couples et initié 14 transferts (faisans d’Edwards et faisans du Vietnam) dont 8 sont encore en cours. Parmi les trajets réalisés ou en cours, nous avons échangé des oiseaux avec la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche. Parmi ces transferts, il est à noter un transfert « longue distance » assez original pour être cité : parmi les zoos de l’EAZA qui participent à notre programme, le zoo de Mulhouse, qui a élevé 3 jeunes cette année, souhaitait offrir un couple d’Edwards au zoo de Singapour. Ce zoo asiatique ayant intégré les programmes d’élevage de l’EAZA, a obtenu une recommandation pour un couple formé d’un jeune mâle de Mulhouse et d’une femelle née chez un éleveur Belge. Avec la directive Balai, les zoos doivent désormais assurer une quarantaine dans des installations agréées par espèce, pour tout animal entrant dans leur enceinte, mais aussi dans le réseau des zoos soumis à cette directive. Mulhouse, n’étant pas en mesure d’assurer spécifiquement la quarantaine des faisans d’Edwards, nous avons sollicité l’aide de l’équipe du Parc de Clères pour assurer cette phase réglementaire obligatoire. Le convoyage de l’oiseau de Belgique a été assuré jusqu’à Clères par Ivan Roels, à l’occasion du transfert d’autres oiseaux et nous cherchons actuellement une solution pour assurer le transfert de Clères à Mulhouse à la fin de la quarantaine. A ce moment, l’équipe du zoo de Mulhouse prendra le relais pour la partie administrative et le déplacement le plus complexe, le voyage jusqu’au zoo de Singapour. Ce transfert couvre la plus grande distance pour cette saison mais d’autres sont tout aussi compliqués avec plusieurs transporteurs, voire des périodes de stockage plus ou moins longues en cours de route.
Même si certains échanges ne sont pas encore finalisés, la saison hivernale a été très active. Pour la première fois cette année, nous pouvons nous féliciter ; avec l’aide de nos membres et amis, français et européens, tous les transferts européens ont été gratuits pour tous les participants privés. Tout ceci n’aurait pas pu être possible sans l’aide de tout ce réseau de bénévoles qui participent et qui facilitent les transports, stockages ou simplement la mise en contact des différents convoyeurs ! Je tiens également à remercier le zoo de Lyon et son équipe qui ont choisi de rejoindre et soutenir notre groupe en accueillant et en présentant cette espèce, mais aussi en effectuant un don pour nous aider dans ce projet.
Prochain objectif au niveau européen : continuer à travailler sur la gratuité des oiseaux pour arriver sur ce point au standard des programmes d’élevages de l’EAZA, mais aussi, bien sûr, faire élever un maximum de jeunes naturellement par nos oiseaux !
Panneaux pédagogiques d’un de nos participants : le Zoo Parc de Trégomeur, photos Frédéric Courteaux.